Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Lumières au jardin

Au temps des Reines et Rois vivait fleur jolie, aux pétales de soie arrosés par la pluie. Son teint, or et vermeil, reflétait – Ô merveille ! – du soleil, haut perché, les rayons mordorés.

Heureux de profiter d’un don inattendu, près d’elle s’asseyait le jardin tout entier, offrant à l’univers mille visages émus, égayés de lumière et de chaleur baignés.

Les escargots, bruissant sous leurs frêles coquilles, remuaient leurs antennes pour n’en point perdre miette. Herbes aux habits princiers, qui de lumière scintillent, laissaient des pluies d’insectes fleurir leurs robes vertes.

Un jour où le soleil brillait haut, brillait fort, le spectacle si beau mit le jardin en transe. Tintant, vibrant, brillant, du sud jusqu’au nord, la fleur embellissait la vie de sa présence. À tel point que des rais de lumière audacieux s’invitèrent aux vitres du royal salon, où le Roi et la Reine déjeunaient, le teint gris, sur la longue longue table, au silence religieux… « D’un ennui à mourir… », chez les souris, dit-on.

Obligé, malgré lui, à clignoter des yeux, le Roi sur son fauteuil s’agitait comme diable, piquant de son épouse le naturel curieux, toujours si bien coiffé, toujours si présentable.
« Mais enfin mon ami, que vous arrive-t-il donc ? » finit par s’agacer, terne reine irritable, qui bien mal admettait que l’on ose interrompre l’aimée dégustation de sa soupe maussade.
« Je ne sais dire, ma mie… », lui rétorqua le roi qui, de gauche et de droite, dansait sur son séant. « À croire que le soleil veut se jouer de moi, et tente d’éclipser mon suprême ascendant. »

Un soupir appuyé – voilà ! C’en était fait !
Leur repas froid, gâché, les deux royaux sujets soulevèrent, en chœur, leurs royaux postérieurs, pour devant la fenêtre, immense et d’or sertie, les poster, sans un bruit. Et la stupeur les tint, en voyant le jardin réserver une fête à autre créature que leur deux Majestés.
La soupe était complète !

Un souverain juron s’échappa – Ô blasphème – de la bouche du Roi qui cria : « Nom de nom ! ». Alors qu’à ses côtés, les vapeurs de la Reine embrumaient le teint pâle de son museau grognon.

Un tel outrage, bien sûr, ne pouvait sans réponse, rester – Ô ciel obscur ! – sans un coup de semonce. Reine, Roi et sujets interrompirent alors l’insipide banquet pour se hâter dehors. Une fois n’était coutume, ils iraient au jardin sans apprêt, ni costume, sujets ou baisemain.

À la vue de nos deux Seigneuries en haillons, le jardin tout entier retint souffle et soupir. Sauf la fleur jolie qui, d’un coeur si bon, continuait à valser, s’ébrouant de plaisir, et ayant à pistil d’illuminer la cour et, s’il était utile, les jardins alentours.
La lumière, pour elle, était un feu cadeau, flamme brute, étincelle, à partager bien haut.
Les yeux fermés, bien sûr, le danger ne vit point, pas plus que les éclairs qui foudroyaient, en chien, sa robe scintillante, miroir d’étoiles, bijou, depuis les yeux furieux des monarques jaloux.
D’un coup sec comme mort, le Roi épris de rage, arracha de la fleur et la tête et le corps, faisant fâner en choeur rayons, rais et mirages, de la belle, qui mourut sans un cri, sans hommage.

Alors que le jardin, figé dans sa stupeur, n’osait laisser rouler les larmes menaçant, ravalant en sa terre, peur, tristesse et chagrin, la voix du Roi tonna son dédain piétinant.
« Que plus jamais personne ! Que personne – Ô jamais – ne s’avise au jardin d’éclipser mon Soleil, de me jeter à l’ombre, de faire pâlir mes traits, d’affadir ma Splendeur à nulle autre pareille. JE suis le Roi soleil, présidant à cet astre, éclairant mon royaume de ma royale Lumière ! JE suis monts et merveilles, contreforts et pilastres. Moi JE soutiens le monde ! De moi il s’émerveille !
Me suis je bien fait comprendre ? »
De question n’était point, lors faisant grise mine, tout le jardin, navré, contraint, courba l’échine.
D’ailleurs qui oserait un Roi solaire reprendre ?

Pourtant quelques rumeurs, que l’on n’attendait point, firent frissonner le Roi, la Reine et le jardin, destituant de leurs trônes les Monarques assis, cul dans l’herbe, teint jaune, par le ciel éblouis.
L’astre de feu, perché dans les Hauts sans nuage, avait, c’était certain, fait valser ses rayons, pour que leurs ricochets sur les royaux visages, aveuglent leur folie, leur cruauté sans nom.

Brûlant de vanité, les globes de la Reine et bientôt ceux du Roi perdirent de leur superbe, masquant à leur regard leur si précieuse splendeur. Disparut le jardin, les bouquets et les herbes, ne laissant que la nuit dans leur yeux presque éteints.

Une voix rugissante, berceau du fond des temps, perça les galaxies et les lunes hurlantes, pour atterir aux pieds de nos aveugles assis.

« Je suis l’astre Lumière, le seul qui soit vraiment, et éclaire sur terre, tous, pareillement ! Si quelques créatures, avec courage et joie, diffusent ma lumière, de leurs coeurs grands ouverts, qui êtes-vous, Ô Rois, pour les mettre à l’enfer ?
Si l’innocente offrande offense vos egos, rien ne vous sert de voir du monde la beauté. Ne sachant l’apprécier, qu’il soit fort laid ou beau, votre dédain détruit ce que vous contemplez.
Vous vous pensez Soleil ? Vous l’êtes en vérité !
Mais pour de nouveau voir mes rayons scintiller et Beauté de la vie de nouveau contempler, il vous faudra d’abord, en vous même, trouver l’étincelle qui fait que d’Amour vous brillez, et qui éclaire votre Âme de son feu de bonté.»

La voix se tut alors, et puis ce fut la nuit.

De ces mots, les Monarques n’avaient rien compris. Se relevant en hâte, vomissant leur mépris, ils fuirent, se privant de leur propre éclaircie.

Ni les mousses joufflues, ni les dodus bosquets, n’adoucirent leurs chutes. Le jardin se moquait de ces deux Seigneuries, aveuglées par l’orgueil, qui rendrait même aveugle le plus perçant œil.

Les mois passèrent ainsi, égrénant leur silence, parsemant le jardin de graines d’indolence. Tout ici reposait.

Et puis c’est au matin, comme dans les histoires, que le soleil cogna, battant froid à la nuit, sur un petit machin, pas plus grand que l’espoir, qui de sa robe neuve, le jardin éblouit.

Fusèrent les houras ! Tonnèrent les bravos !
Le jardin s’éveillait de son morne repos.

Les herbes s’ébrouèrent, invitant au ballet, larves, insectes et vers, sur leurs manteaux si frais. Les escargots, bruissants, antennes remuèrent pour capter en tremblant cette neuve Lumière.
Tout enfin renaissait.

Ô merveille des merveilles, elle était revenue, la fleur qui, du Soleil jusque sur les visages, reflétait la Lumière, venue du fond des âges.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :